Mwà Véé n°76 /
Le dossier : La parole kanak

Toutes ces questions, nous les avons posées à des interlocuteurs qualifiés. Nous avons également demandé à la jeune génération, celle des slameurs, en particulier, d’apporter, elle-aussi, sa vision de la parole. Ces jeunes ont accepté de nous confier leurs « paroles de slam ».
Ce numéro 76 innove avec la création de pages magazines, Les rendez-vous de Ngan Jila consacrées au programme artistique et culturel proposé par l’ADCK-centre culturel Tjibaou au cours du deuxième trimestre 2012. La suite de la saison sera déclinée dans les deux prochains numéros de la revue.
Sommaire
Aux sources de la parole
- Arthur Maramin, transmetteur coutumier
- De la collecte de l’oralité à sa traduction artistique
- Bienela Houmbouy
- 20 ans de théâtre kanak avec Pierre Gope
À fleur de slam
- Paul Wamo
- Le slam au cœur de l’écrit avec Solange Paillandi
- Le collectif MétisSlam
Les fleurs du slam
- Lyrycal
- Anthony Mira
- Ludovic Simane Wenethem
- Thierry « InT.rimes » Hoang
- Fanny Battaglino
- Mickaël Sanchez
- Israëla Sanchez
- Boukman Thonon
Le magazine de Mwà Véé
- Les rendez-vous de Ngan Jila
Extraits…
de l’éditorial…
De l’usage courant…« Nous nous sommes penchés dans ce dossier sur l’évolution de la parole dans le monde kanak. Comment passe-t-on, par exemple, de l’usage courant à l’usage sacralisé de la parole et sur quoi se fonde ce caractère sacré que l’on retrouve dans les rituels traditionnels et auquel se réfèrent certains de nos interlocuteurs ?
Dans un autre registre, nous nous sommes intéressés aux formes contemporaines prises par la parole dans le domaine artistique. C’est ainsi que nous sommes revenus sur le parcours du dramaturge kanak Pierre Gope, puis que nous sommes allés à la rencontre des jeunes slameurs kanak, à commencer par le premier d’entre eux, Paul Wamo (…)
… à l’usage sacralisé de la parole
On découvre que cette parole kanak, codifiée jusqu’à l’extrême, hiérarchisée dans le contexte de la société des vivants, possède, de plus, une dimension particulière puisqu’elle est gardée et entretenue, dans leur monde, par les esprits des vieux et qu’elle permet la communication avec eux, de part et d’autre d’une paroi perméable située entre la vie et la mort. Les vivants parlent, mais les esprits aussi, et, grâce à la parole, ils communiquent entre eux. Cette parole se suffit à elle-même, elle est capable de « s’exprimer » par le silence, elle structure et légitime le geste coutumier (…)
Mwà Véé (Gérard del Rio)
… des entretiens
Aux sources de la parole
Légende : Arthur Maramin, transmetteur coutumier
Crédit photo : ©ADCK-CCT-G.del Rio

La parole est vivante. En même temps elle est invisible, comme l’air, le vent. Ils sont invisibles, mais on les entend. La parole vient des entrailles de la terre. »
Arthur Maramin, tribu de Nôôwé (Nonhoué) à Canala.
Légende : Bienela Houmbouy
Crédit photo : ©ADCK-CCT-G.del Rio

Les deux concepts vont de pair. Pendant la seule période de l’oralité, où l’écrit n’entrait pas encore dans le mode de pensée et d’expression, la parole remplissait cette double fonction, d’où l’importance centrale de la parole dans la société kanak. Au point que l’on parle effectivement de « parole sacralisée », ce qui pour moi veut dire que le fait d’être habité par la parole signifie que celle-ci construit l’individu et lui permet de se dire. La parole était le moyen essentiel de se positionner en face de l’autre en tant qu’individu (…)
Vulgariser la parole, c’est en quelque sorte la désacraliser, ce qui sous-entend qu’elle perd de sa valeur et de sa vertu (…) De la même manière que l’exercice de l’écriture était délégué aux scribes dans les temps anciens, l’exercice de la parole était délégué à certains individus, de façon à ce que celle-ci conserve toute sa valeur, toute sa force. Et, pour cela, il fallait que celui qui était chargé de cette mission réponde à certaines conditions (…)
Je dirais que la parole enveloppe la coutume, en même temps qu’elle est le contenu du sens et qu’elle fait la valeur de ce qui est enveloppé. Il y a donc un rapport étroit entre la valeur de la parole et la valeur de la coutume. Donc, pour moi, non seulement la parole enveloppe la coutume, mais elle est en même temps ce qui fait que la coutume a une valeur positive, créatrice, constitutive de l’être. »
Bienela Houmbouy, pasteur, ancien enseignant de français et de philosophie
Légende : Pierre Gope
Crédit photo : ©ADCK-CCT-G.del Rio

La parole ne meurt pas, elle nous survit, nous perpétue. C’est pour cela qu’il ne faut pas la galvauder. Avant, les vieux qui en étaient détenteurs portaient la parole. Ils étaient habités par elle. Même lorsqu’ils restaient silencieux, la parole était là, présente en eux. Ils n’avaient pas besoin de l’exprimer pour qu’on la ressente (…)
La coutume est posée sur la parole. La parole ne fait pas la coutume. On dit que ce sont les vivants qui font la coutume, pas les morts. Et, en même temps, la coutume sans la parole, ce n’est pas la coutume.
La parole est là pour construire l’être. Elle n’est pas « visible » au sens où on l’entend. La coutume, elle, c’est la traduction concrète de la parole. »
Pierre Gope, dramaturge kanak
A fleur de slam
Légende : Paul Wamo durant sa résidence d’écriture au centre culturel TjibaouCrédit photo : ©ADCK-CCT-G.del Rio

Sans légende
Crédit photo : ©Shutterstock

Nous avons compris d’entrée que le slam, à la convergence de la poésie et de la musique, était un genre particulièrement adapté au public jeune pour faire passer des textes. »
Fleurs de slam
A découvrir également dans ce dossier…… une rencontre avec les « paroles de slam » des lauréats du concours de slam 2011 :
- Lyncey Sioremu, alias Lyrycal
- Anthony Mira…

Crédit photo Anthony : ©Coll perso. A.Mira
… une rencontre avec les membres du collectif MétisSlam et leurs « paroles de slam » :

Crédit photo : ADCK-CCT©G.del Rio
… une rencontre avec les « paroles de slam » de Boukman Thonon

Crédit photo : ©ADCK-CCT-Eric Dell’Erba Retour à Mwà véé - Archives